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20 août 2018 : de l’eau sur la Lune

Glace Lune

        Nouvelle annonce de la NASA : il y a bel et bien de l’eau sur la Lune … gelée au niveau des pôles[1]. Inutile donc d’imaginer un bain de minuit au clair de la Terre !

        Plus sérieusement, la présence d’eau est nécessaire si on veut établir une base sur la Lune. Elle permettrait non seulement de l’alimenter en eau liquide, mais également d’en faire une « station-service » qui ravitaillerait en carburant d’éventuels vaisseaux à destination de Mars, par exemple, une fois l’eau « craquée » en dihydrogène et dioxygène.

        Mais gardons la tête froide et analysons ceci d’un point de vue plus scientifique.

 

L’eau sur la Lune : rêve …

        L’eau sur la Lune a longtemps relevé de la fiction, comme dans l’album d’Hergé On a marché sur la Lune.

        La nomenclature lunaire garde d’ailleurs la trace de la croyance passée en l’existence d’eau liquide : les grandes étendues sombres et « plates » observées à la lunette ont été nommées « océans », « mers », « golfes », « marais » et « lacs ». On sait aujourd’hui qu’il s’agit en fait de très grands cratères remplis de basalte.

        Les progrès de la science ont d’abord balayé l’espoir de trouver de l’eau liquide en surface. Sans atmosphère, pas d’eau liquide !

        Puis la théorie de formation de la Lune suite à un impact géant s’est imposée, ce qui implique une Lune pauvre en éléments volatils, dont l’eau fait partie.

        La seule possibilité de trouver de l’eau était donc le piégeage d’une partie de la glace apportée par des comètes écrasées sur la Lune, sublimée puis recondensée à l’abri du Soleil dans certains cratères perpétuellement à l’ombre, près des pôles.

 

… et réalité !

        Mais au cours de l’exploration de Séléné, la fiction est plus ou moins devenue réalité. Pas les grottes bourrées de stalactites et de stalagmites, non, ça c’est très peu probable, voire carrément impossible. Lançons-nous dans un petit historique des différentes découvertes.

        Dans les années 1970, les Soviétiques ont réalisé un programme de prélèvement et de retour d’échantillons de la surface lunaire par des robots. De l’eau a été détectée dans du régolithe[2] ramené en 1976 par la sonde Luna 24, à hauteur de 0,1 %. L’info est curieusement passée à la trappe, malgré une traduction en anglais dans une revue internationale[3].

        On a eu un espoir de glace au pôle en 1994, avec la détection d’échos intéressants par le radar de la sonde Clementine. Mais le radiotélescope d’Arecibo a trouvé des échos semblables dans des zones où la glace ne peut pas subsister[4]. Raté …

        La sonde Lunar Prospector (1998 - 1999) avait entre autres missions d’étudier la chimie de la Lune. Elle a découvert de l’hydrogène en grandes quantités dans les régions polaires, un indice de la présence probable de glace[5].

        En attendant de confirmer la glace aux pôles, la revue Science publie en octobre 2009 une série d’articles consacrés à l’eau sur la Lune. On peut notamment remarquer les résultats suivants :

  • De passage en 1999, la sonde Cassini (en route vers Saturne) a détecté de l’eau adsorbée (c’est-à-dire non libre) sur la face éclairée de la Lune[6].
  • En 2008, la sonde indienne Chandrayaan-1 a détecté de l’eau et/ou de l’hydroxyle (OH)[7] aux hautes latitudes et au niveau de cratères récents (confirmé en 2013[8]).

Eau cratère    Présence d’eau et d’hydroxyle (en bleu), détectés par la sonde Chandrayaan-1 dans la région entourant un cratère récent. Crédits: ISRO/NASA/JPL-Caltech/USGS/Brown Univ. — http://www.nasa.gov/topics/moonmars/features/moon20090924.html

        La présence d’eau a également été établie dans des roches volcaniques[9], y compris dans le fameux « sol orange » dont des échantillons avaient été rapportés par la mission Apollo 17 en 1971[10]. L’intérieur de la Lune est donc loin d’être aussi « sec » que la théorie de l’impact le laissait entendre jusque-là.

Sol orange apollo 17    Le sol orange observé (et échantillonné) par les astronautes d'Apollo 17. Source : NASA - http://www.hq.nasa.gov/alsj/a17/AS17-137-20990HR.jpg

Eau surface lune    Concentration en eau des roches lunaires. Source : Milliken et al., cité dans Science et Avenir (25 juillet 2017) - https://www.sciencesetavenir.fr/espace/systeme-solaire/les-roches-volcaniques-aussi-riches-en-eau-sur-la-lune-que-sur-terre_115020

        Quant à la glace, c’est la sonde LCROSS qui finit en novembre 2009 par apporter sa première observation sûre et certaine[11], grâce à son impact dans le fond du cratère Cabeus. Situé près du pôle sud lunaire et perpétuellement plongé dans l’obscurité, il fait partie des « pièges à glace » évoqués plus haut.

 

        Dernier « détail » : l’annonce du 20 août 2018 est fondée sur des résultats de … 2008, obtenus par la sonde Chandrayaan-1 ! Mais l’eau dont il est question fait nettement plus rêver : elle est bien plus facile à extraire sous forme de glace que prisonnière dans les roches.

        En conclusion : une bien belle annonce … mais on s’en doutait quand même fortement !

 

Notes et références

 

[1] Source (en anglais) : Shuai Li, Paul G. Lucey, Ralph E. Milliken, Paul O. Hayne, Elizabeth Fisher, Jean-Pierre Williams, Dana M. Hurley et Richard C. Elphic, « Direct evidence of surface exposed water ice in the lunar polar regions », PNAS, 20 août 2018. Disponible à cette adresse : http://www.pnas.org/content/early/2018/08/14/1802345115

[2] La poussière qui recouvre la surface lunaire

[3] Article d’origine : M.V. Akhmanova, B.V. Dement’ev et M.N. Markov, « Water in the regolith of Mare Crisium (Luna 24)? » , Geokhimiia, février 1978, p. 285

Et l’article « international » : M.V. Akhmanova, B.V. Dement’ev et M.N. Markov, « Possible Water in Luna 24 Regolith from the Sea of Crises », Geochemistry International, 1978, 15, 166

[4] Source : article de l’encyclopédie en ligne Wikipédia sur la sonde Clementine, disponible à cette adresse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Clementine

[5] Source (en anglais) : Alan B. Binder, « Lunar Prospector: Overview », Science, 4 septembre 1998, vol. 281, n° 5382, pp. 1475-1476

[6] Source (en anglais) : Roger N. Clark, « Detection of Adsorbed Water and Hydroxyl on the Moon », Science,  23 octobre 2009, vol. 326, n° 5952, pp. 562-564

[7] Source (en anglais) : C. M. Pieters, J. N. Goswami, R. N. Clark, M. Annadurai, J. Boardman, B. Buratti, J.-P. Combe, M. D. Dyar, R. Green, J. W. Head, C. Hibbitts, M. Hicks, P. Isaacson, R. Klima, G. Kramer, S. Kumar, E. Livo, S. Lundeen, E. Malaret, T. McCord, J. Mustard, J. Nettles, N. Petro, C. Runyon, M. Staid, J. Sunshine, L. A. Taylor, S. Tompkins et P. Varanasi, « Character and Spatial Distribution of OH/H2O on the Surface of the Moon Seen by M3 on Chandrayaan-1 », Science, 2009, vol. 326, no 5952,‎ p. 568–572

[8] Source (en anglais) : R. Klima, J. Cahill, J. Hagerty et D. Lawrence, « Remote detection of magmatic water in Bullialdus Crater on the Moon », Nature Geoscience,‎ 5 juillet 2013

[9] Source (en anglais) : Ralph E. Milliken & Shuai Li, « Remote detection of widespread indigenous water in lunar pyroclastic deposits », Nature Geoscience, 24 juillet 2017, vol. 10, pp. 561–565

[10] Source (en anglais) : Hauri, Erik H. ; Thomas Weinreich ; Alberto E. Saal ; Malcolm C. Rutherford ; James A. Van Orman, "High Pre-Eruptive Water Contents Preserved in Lunar Melt Inclusions",  Science Express. AAAS, 26 mai 2011, 10 (1126): 213–215. Disponible à cette adresse : http://science.sciencemag.org/content/early/2011/05/25/science.1204626

[11] Source (en anglais) : « LCROSS Impact Data Indicates Water on Moon », NASA, 13 novembre 2009. Disponible à cette adresse : https://www.nasa.gov/mission_pages/LCROSS/main/prelim_water_results.html

 

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