La version 2020 du rapport « Planète Vivante » du WWF[1] est arrivée le 10 septembre 2020. Et elle n’annonce pas de bonnes nouvelles : plus des deux tiers des effectifs des vertébrés terrestres ont disparu depuis 1970[2].
Faisons donc un point sur le déclin de la faune sauvage.
Faune sauvage : définition
La faune sauvage est l’ensemble des animaux non domestiqués. Sont donc exclus les humains, les animaux d’élevage et les animaux de compagnie.
Avant d’aller plus loin dans cet article, précisons que le rapport du WWF ne concerne que les vertébrés : mammifères, poissons, amphibiens et reptiles[3]. Pas un mot donc sur les invertébrés comme les méduses, les insectes, les gastéropodes … bref sur les animaux dépourvus de squelette interne, ni sur les plantes.
Un déclin généralisé
D’après le rapport, la population de vertébrés sauvages a diminué de 68 % en 50 ans.
Et ce ne sont pas les seuls animaux concernés : les arthropodes (qui comprennent les insectes, les arachnides[4], les crustacés et les myriapodes[5]) subissent également de très lourdes pertes (au moins sur les continents européen et nord-américain)[6],[7]. Une étude menée en Allemagne a observé une baisse des effectifs de 67 % dans les prairies et de 41 % dans les forêts pour la seule décennie 2010. Près d’1 espèce d’invertébrés sur 5 serait menacée de disparition[8]. Les insectes pourraient même disparaître d’ici un siècle, alors qu’ils ont survécu à toutes les extinctions de masse précédentes.
Un article publié dans la revue scientifique Pnas[9] donne un petit aperçu du caractère envahissant et étouffant d’Homo sapiens (pas si sage que ce nom scientifique le sous-entend, il va peut-être falloir le rebaptiser …). Avant l’apparition de l’être humain moderne, les mammifères sauvages représentaient environ 40 millions de tonnes de carbone. Ils n’en représentent plus qu’environ 7 millions aujourd’hui. Les humains, au départ peu nombreux, sont quant à eux désormais environ 8 milliards et représentent 60 millions de tonnes de carbone, sans parler de leurs animaux domestiques et d’élevage, qui en représentent plus de 100 millions. Autrefois archi dominants, les mammifères sauvages ne représentent donc plus que 4 % de la masse totale des mammifères[10] !
Estimation de la répartition actuelle de la biomasse sur Terre, d’après l’article « The biomass distribution on Earth ». Masses exprimées en milliards de tonnes de carbone (Gt C). Traduction pour les non anglophones : archea = archées[11], viruses = virus[12], bacteria = bactéries, protists = protistes[13], fungi = champignons, animals = animaux, plants = plantes, arthropods = arthropodes, molluscs = mollusques[14], nematods = nématodes[15], annelids = annélides[16], wild birds = oiseaux sauvages, fish = poissons, wild mammals = mammifères sauvages, cnidarians = cnidaires[17], livestock = bétail, humans = humains.
Les causes du déclin
Les causes de ce déclin sont multiples : destruction des habitats des animaux (le plus souvent au profit des surfaces agricoles, comme en Amazonie), surexploitation des espèces (exemple : la surpêche), pollutions en tous genres (pollution de l’eau, pollution de l’air, pollution lumineuse …), intoduction par les humains d’espèces invasives (exemple : le frelon asiatique, qui attaque les abeilles) ou encore réchauffement climatique[18]. Bref, des conséquences uniquement liées à l’humanité et à son mode de vie actuellement dominant, fondé sur la surconsommation irresponsable et qui ne s’embarrasse pas de ses conséquences sur l’environnement.
Une autre cause, plus « psychologique », peut également être citée : l’intolérance d’une grande partie des humains vis-à-vis de tout qui échappe à leur contrôle[19]. Une intolérance particulièrement ancrée dans certaines cultures, notamment celle dite « occidentale ».
Les conséquences du déclin
L’importance de la biodiversité a déjà été évoquée sur ce blog[20].
Lorsqu’elle est « en bonne santé », la biodiversité rend nombre de services dits « écosystémiques » : pollinisation de plantes à fleurs par les insectes, fertilisation et aération des sols par les lombrics, construction de barrières coralliennes protectrices … La « valeur » estimée des services rendus gratuitement par la nature est astronomique : 125 000 milliards de dollars par an (1,5 fois le produit intérieur brut mondial)[21] ! Une somme que nous n’avons pas à débourser pour l’instant, mais qu’il faudra dépenser si les humains doivent assumer ces tâches à la place d’une nature trop affaiblie.
Illustration (probable) de la plus grande espèce de ver de terre, Microchaetus rappi, tirée du volume 12 des Transactions of the Zoological Society of London. Source : Wikimédia Commons (https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Oligochaeta#/media/File:Microchaeta.jpg). Les vers de terre ne sont pas aussi charismatiques que le panda ou l’éléphant, mais ils sont indispensables au bon fonctionnement des écosystèmes.
Autre conséquence du déclin du monde sauvage, qui est particulièrement en phase avec l’actualité : la transmission aux humains de maladies émergentes. Dans un habitat de plus en plus restreint, les animaux sont de plus en plus entassés, moins nombreux et les espèces sont moins diversifiées, ce qui les plus vulnérables aux maladies. La plus grande proximité avec les humains facilite également la transmission de nouveaux virus à Homo sapiens. Le phénomène est bien expliqué dans cette vidéo que je t’invite à découvrir : « La biodiversité, un rempart contre les épidémies ? » (disponible à cette adresse : https://www.lumni.fr/video/la-biodiversite-un-rempart-contre-les-epidemies). L’actuelle pandémie de CoViD-19 est donc une conséquence particulièrement marquante de l’effondrement de la biodiversité.
Comment remédier à la situation ?
Il n’y a pas une solution, mais plusieurs. Et tout le monde doit participer[22].
Une solution consiste à augmenter la taille des aires protégées. Il faut également une protection efficace, qui n’est d’ailleurs pas forcément incompatible avec la présence humaine.
Le problème étant en grande partie lié au mode de consommation actuel, tu peux également, chère lectrice, cher lecteur, apporter ta propre contribution en réduisant ton « empreinte écologique ». Alimentation, déplacements, limitation des gaspillages … les moyens d’agir sont nombreux. À toi de jouer !
Notes et références
[1] WWF : World Wide Fund For Nature, auparavant World Wildlife Fund (Fonds mondial pour la nature).
[2] Source : rapport Planète Vivante 2020, WWF, 10 septembre 2020. Synthèse et version complète disponibles à cette adresse : https://www.wwf.fr/rapport-planete-vivante
[3] Et les oiseaux ? Ce sont des reptiles à plumes. Ils sont donc inclus dans la liste, même s’ils ne sont pas nommés à part.
[4] Arachnides : araignées, scorpions et acariens (entre autres).
[5] Plus connus sous le nom de « mille-pattes ».
[6] Source : « La disparition des insectes se confirme », Libération, publié le 15 novembre 2019, mis à jour le 17 novembre 2019. Disponible à cette adresse : https://www.liberation.fr/sciences/2019/11/15/la-disparition-des-insectes-se-confirme_1762915
[7] Source : « Extinction de masse : les insectes disparaissent à une vitesse alarmante », National Geographic. Disponible à cette adresse : https://www.nationalgeographic.fr/environment/extinction-de-masse-les-insectes-disparaissent-une-vitesse-alarmante
[8] Source : « Biodiversité : près d’un invertébré sur cinq menacé d’extinction », Futura Sciences, publié le 3 septembre 2012, modifié le 1er janvier 2020. Disponible à cette adresse : https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/zoologie-biodiversite-pres-invertebre-cinq-menace-extinction-41007/
[9] Yinon M. Bar-on, Rob Phillips et Ron Milo, « The biomass distribution on Earth », publié le 19 juin 2018. Disponible à cette adresse : https://www.pnas.org/content/115/25/6506
[10] Source : « Quand les mammifères sauvages perdent leur place », Libération, 24 décembre 2019. Disponible à cette adresse : https://www.liberation.fr/planete/2019/12/24/quand-les-mammiferes-sauvages-perdent-leur-place_1769555
[11] Archées : êtres vivants qui ressemblent à des bactéries, mais qui en diffèrent par de nombreux aspects.
[12] La question de savoir si les virus font partie ou non du monde vivant est encore débattue.
[13] Protistes : ensemble fourre-tout d’organismes constitués de cellules à noyau, mais qui ne sont ni des animaux, ni des champignons, ni des plantes. Exemples : les amibes.
[14] Mollusques : animaux à corps mou, non segmenté, protégé ou non par une coquille. Exemples : les escargots, les seiches, les huîtres …
[15] Nématodes : vers non segmentés, aussi connus sous le nom de « vers ronds ».
[16] Annélides : vers segmentés. Exemple : les lombrics.
[17] Cnidaires : animaux aquatiques, à symétrie radiale et qui utilisent des harpons urticants pour attraper leurs proies. Exemples : les méduses, les coraux.
[18] Source : « 68% des animaux vertébrés ont disparu depuis 1970, selon le rapport Planète Vivante du WWF », France Info, 10 septembre 2020. Disponible à cette adresse : https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/biodiversite/68-des-animaux-vertebres-ont-disparu-depuis-1970-selon-le-rapport-planete-vivante-du-wwf_4100251.html
[19] Source : article de Libération cité précédemment.
[20] « 29 avril - 4 mai 2019 : la biodiversité au sommet », paru le 3 mai 2019 sur ce blog. Disponible dans les archives de mai 2019 ou directement à cette adresse : https://decryptons-la-science.typepad.com/decryptons-la-science/2019/05/sommet-biodiversite.html
[21] Source : « La disparition des animaux pourrait remettre en cause nos modes de vie », Le Monde, 30 octobre 2018. Disponible à cette adresse : https://www.lemonde.fr/biodiversite/article/2018/10/30/declin-de-la-faune-sauvage-la-nature-reprend-ses-droits-si-on-lui-en-laisse-le-temps_5376709_1652692.html
[22] Voir l’article du Monde cité précédemment.