Le point sur ...

Le point sur … le dôme de chaleur en Amérique du Nord

Dôme chaleur

        Depuis quelques jours, l’ouest des États-Unis et du Canada suffoque sous un « dôme de chaleur », avec des températures qui frôlent parfois les 50°C[1]. Peu commun pour ces régions au climat proche de celui de l’Europe de l’Ouest, et davantage habituées à une agréable douceur en cette saison.

        Des températures très élevées, sur une durée très (trop) longue … Voilà qui ressemble aux canicules qui frappent l’Europe de plus en plus fréquemment.

        À quel point les deux phénomènes sont-ils semblables ?

 

À l’origine des vagues de chaleur

        Comme les canicules européennes, le dôme de chaleur américain est provoqué par le blocage d’une masse d’air chaud. La situation météorologique est assez proche de celle qui a provoqué la canicule de juin 2019 (évoquée sur ce blog). Je te conseille donc, chère lectrice, cher lecteur, de lire (ou relire) l’article écrit à cette occasion[2].

        En remplaçant l’Europe de l’Ouest par l’ouest de l’Amérique du Nord, on obtient une description de la situation actuelle. Une situation qui devrait s’améliorer dès que la masse d’air chaud pourra à nouveau se déplacer …

 

Bientôt une vague de chaleur similaire en Europe ?

        A priori, ceci n’a rien d’impossible ! Le climat étant plus chaud qu’en 2003 (année d’une canicule semblable en Europe), rien n’empêche le thermomètre d’atteindre de telles températures sur le continent (et pas qu’en Andalousie). La seule interrogation serait plutôt quand cela va se produire[3] …

 

        Et sinon, la lutte contre le réchauffement climatique, ça avance ?

 

 

Notes et références

[1] Source : « 47,9°C près de Vancouver, 46,1°C à Portland… C’est quoi le « dôme de chaleur » qui touche le Canada et les Etats-Unis ? », 20 Minutes, 30 juin 2021. Très complet sur le sujet, donc il est intéressant d’y jeter un coup d’œil … Disponible à cette adresse : https://www.20minutes.fr/planete/3074279-20210630-479-pres-vancouver-461-portland-quoi-dome-chaleur-touche-canada-etats-unis

[2] « Europe : une semaine de canicule », 28 juin 2019. Disponible dans les archives de juin 2019 du blog ou directement à cette adresse : https://decryptons-la-science.typepad.com/decryptons-la-science/2019/06/europe-une-semaine-de-canicule.html

[3] Source : article de 20 Minutes cité précédemment.


Le point sur … les semi-conducteurs

Puce électronique

        Un composant vous manque, et toutes les usines sont à l’arrêt ! La pénurie de semi-conducteurs a entraîné des perturbations dans des secteurs divers et variés, comme les cartes graphiques ou l’automobile. Et elle risque de durer encore un bon moment[1].

        Mais c’est quoi au juste, les semi-conducteurs ?

        C’est parti pour un petit voyage dans le monde de l’électronique …

 

Semi-conducteur : définition

        Essayons de faire simple. Les notions de bandes d’énergie et de bande interdite (aussi appelée par son nom anglophone gap) seront donc laissées de côté ici.

        Un semi-conducteur est un matériau solide dont la conductivité (c’est-à-dire la capacité à laisser passer les charges électriques) est intermédiaire entre celle des conducteurs et celle des isolants.

        Les conducteurs (comme les métaux) contiennent beaucoup d’électrons libres, ce qui leur permet de laisser passer le courant électrique (qui est un flux d’électrons) facilement. Par contre, chez les isolants, les électrons sont tous « occupés » à former des liaisons chimiques, ce qui les rend indisponibles : le courant électrique ne peut pas traverser ces matériaux. Si un isolant présente des impuretés ou des défauts, des électrons deviennent disponibles et il peut laisser passer le courant : il devient semi-conducteur[2].

 

Semi-conducteurs et dopage

        Attention, le dopage évoqué ici n’a rien à voir avec la tricherie sportive !

        Doper un semi-conducteur consiste à y introduire des « impuretés » pour contrôler ses propriétés électriques. Il existe deux solutions : augmenter la densité en électrons, ou au contraire la réduire[3].

        Prenons l’exemple du semi-conducteur le plus utilisé, le silicium. Cet élément chimique possède 4 électrons sur sa couche électronique externe, comme le montre le schéma suivant :

Eléments B Si P     Couches électroniques des atomes de bore (B), de silicium (Si) et de phosphore (P). Les électrons sont représentés en rouge, les noyaux sont simplifiés au centre.

        Pour augmenter la densité en électrons, il suffit de remplacer des atomes de silicium par des atomes de phosphore (ou d’arsenic, ou encore d’antimoine), qui eux présentent 5 électrons sur leur couche externe. Chaque atome de phosphore présente un électron qui ne participe pas aux liaisons chimiques avec les atomes de silicium voisins, ce qui le rend disponible pour faire circuler le courant électrique. C’est un exemple de ce qu’on appelle le « dopage de type N ».

        Pour réduire la densité en électrons, on applique le même principe, mais en remplaçant des atomes de silicium par des atomes de bore, avec 3 électrons sur leur couche externe. Chaque atome de bore ne peut former de liaisons chimiques qu’avec 3 atomes de silicium, au lieu de 4 pour un atome de silicium, ce qui crée un « trou » dans lequel un électron peut venir se loger (ce qui déplace le trou). C’est un exemple de ce qu’on appelle le « dopage de type P ».

 

Applications

        En mettant en contact un semi-conducteur dopé P avec un semi-conducteur dopé N, on crée une « jonction P-N ».

        En appliquant une tension positive du côté dopé P, on provoque un déplacement des trous (côté P) et des électrons libres (côté N) vers la zone de contact, et le courant électrique passe. En appliquant la même tension du côté dopé N, les trous et les électrons libres s’éloignent de la zone de contact, ce qui bloque le passage du courant électrique. C’est le principe de fonctionnement des diodes, qui sont des jonctions P-N équipées de contacts métalliques, et qui ne laissent passer le courant électrique que si elles sont branchées dans le bon sens.

        Lorsque des électrons se recombinent avec des trous, des photons sont émis. On obtient alors une diode électroluminescente (aussi connue sous son sigle DEL, ou sa forme anglophone LED). Les photons émis ne le sont pas forcément dans le domaine de la lumière visible, ils peuvent l’être dans l’infrarouge ou l’ultraviolet, par exemple.

Schéma DEL    Schéma d’une diode électroluminescente (DEL). En haut : vue de dessus ; au milieu : vue de profil ; en bas : symbole. Source : Wikimédia Commons (https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:LED_diagrams#/media/File:+-_of_Led.png). Domaine public.

        En jouant sur le dopage et sur les types de jonctions, on obtient toute une gamme de composants électroniques, dont les transistors[4].

        À l’inverse des DELs, les cellules photoélectriques (à la base des panneaux solaires), elles aussi constituées de semi-conducteurs, convertissent les photons de la lumière solaire en électricité, grâce à l’effet photoélectrique.

 

        Composants électroniques, panneaux solaires … Les semi-conducteurs sont aujourd’hui presque partout ! Et ils ne sont pas toujours faciles à remplacer.

        De quoi réfléchir à des solutions pour remédier à la pénurie …

 

 

Notes et références

[1] Source : « Comment la pénurie de semi-conducteurs menace la production de voitures en France », Europe 1, 21 avril 2021. Disponible à cette adresse : https://www.europe1.fr/economie/comment-la-penurie-de-semi-conducteurs-ralentit-la-production-de-voitures-en-france-4039969

[2] Source : article de la version en ligne de l’encyclopédie Universalis consacré aux semi-conducteurs. Disponible à cette adresse : https://www.universalis.fr/encyclopedie/semiconducteurs/

[3] Source : article de l’encyclopédie en ligne Wikipédia consacré aux semi-conducteurs. Disponible à cette adresse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Semi-conducteur

[4] Source : article de l’encyclopédie en ligne Wikipédia consacré aux semi-conducteurs, section « Jonction P-N ». Disponible à cette adresse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Semi-conducteur#Jonction_P-N


Le point sur … le déclin de la faune sauvage

        La version 2020 du rapport « Planète Vivante » du WWF[1] est arrivée le 10 septembre 2020. Et elle n’annonce pas de bonnes nouvelles : plus des deux tiers des effectifs des vertébrés terrestres ont disparu depuis 1970[2].

        Faisons donc un point sur le déclin de la faune sauvage.

 

Faune sauvage : définition

        La faune sauvage est l’ensemble des animaux non domestiqués. Sont donc exclus les humains, les animaux d’élevage et les animaux de compagnie.

        Avant d’aller plus loin dans cet article, précisons que le rapport du WWF ne concerne que les vertébrés : mammifères, poissons, amphibiens et reptiles[3]. Pas un mot donc sur les invertébrés comme les méduses, les insectes, les gastéropodes … bref sur les animaux dépourvus de squelette interne, ni sur les plantes.

 

Un déclin généralisé

        D’après le rapport, la population de vertébrés sauvages a diminué de 68 % en 50 ans.

        Et ce ne sont pas les seuls animaux concernés : les arthropodes (qui comprennent les insectes, les arachnides[4], les crustacés et les myriapodes[5]) subissent également de très lourdes pertes (au moins sur les continents européen et nord-américain)[6],[7]. Une étude menée en Allemagne a observé une baisse des effectifs de 67 % dans les prairies et de 41 % dans les forêts pour la seule décennie 2010. Près d’1 espèce d’invertébrés sur 5 serait menacée de disparition[8]. Les insectes pourraient même disparaître d’ici un siècle, alors qu’ils ont survécu à toutes les extinctions de masse précédentes.

        Un article publié dans la revue scientifique Pnas[9] donne un petit aperçu du caractère envahissant et étouffant d’Homo sapiens (pas si sage que ce nom scientifique le sous-entend, il va peut-être falloir le rebaptiser …). Avant l’apparition de l’être humain moderne, les mammifères sauvages représentaient environ 40 millions de tonnes de carbone. Ils n’en représentent plus qu’environ 7 millions aujourd’hui. Les humains, au départ peu nombreux, sont quant à eux désormais environ 8 milliards et représentent 60 millions de tonnes de carbone, sans parler de leurs animaux domestiques et d’élevage, qui en représentent plus de 100 millions. Autrefois archi dominants, les mammifères sauvages ne représentent donc plus que 4 % de la masse totale des mammifères[10] !

Répartition biomasse    Estimation de la répartition actuelle de la biomasse sur Terre, d’après l’article « The biomass distribution on Earth ». Masses exprimées en milliards de tonnes de carbone (Gt C). Traduction pour les non anglophones : archea = archées[11], viruses = virus[12], bacteria = bactéries, protists = protistes[13], fungi = champignons, animals = animaux, plants = plantes, arthropods = arthropodes, molluscs = mollusques[14], nematods = nématodes[15], annelids = annélides[16], wild birds = oiseaux sauvages, fish = poissons, wild mammals = mammifères sauvages, cnidarians = cnidaires[17], livestock = bétail, humans = humains.

 

Les causes du déclin

        Les causes de ce déclin sont multiples : destruction des habitats des animaux (le plus souvent au profit des surfaces agricoles, comme en Amazonie), surexploitation des espèces (exemple : la surpêche), pollutions en tous genres (pollution de l’eau, pollution de l’air, pollution lumineuse …), intoduction par les humains d’espèces invasives (exemple : le frelon asiatique, qui attaque les abeilles) ou encore réchauffement climatique[18]. Bref, des conséquences uniquement liées à l’humanité et à son mode de vie actuellement dominant, fondé sur la surconsommation irresponsable et qui ne s’embarrasse pas de ses conséquences sur l’environnement.

        Une autre cause, plus « psychologique », peut également être citée : l’intolérance d’une grande partie des humains vis-à-vis de tout qui échappe à leur contrôle[19]. Une intolérance particulièrement ancrée dans certaines cultures, notamment celle dite « occidentale ».

 

Les conséquences du déclin

        L’importance de la biodiversité a déjà été évoquée sur ce blog[20].

        Lorsqu’elle est « en bonne santé », la biodiversité rend nombre de services dits « écosystémiques » : pollinisation de plantes à fleurs par les insectes, fertilisation et aération des sols par les lombrics, construction de barrières coralliennes protectrices … La « valeur » estimée des services rendus gratuitement par la nature est astronomique : 125 000 milliards de dollars par an (1,5 fois le produit intérieur brut mondial)[21] ! Une somme que nous n’avons pas à débourser pour l’instant, mais qu’il faudra dépenser si les humains doivent assumer ces tâches à la place d’une nature trop affaiblie.

Microchaeta    Illustration (probable) de la plus grande espèce de ver de terre, Microchaetus rappi, tirée du volume 12 des Transactions of the Zoological Society of London.  Source : Wikimédia Commons (https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Oligochaeta#/media/File:Microchaeta.jpg). Les vers de terre ne sont pas aussi charismatiques que le panda ou l’éléphant, mais ils sont indispensables au bon fonctionnement des écosystèmes.

        Autre conséquence du déclin du monde sauvage, qui est particulièrement en phase avec l’actualité : la transmission aux humains de maladies émergentes. Dans un habitat de plus en plus restreint, les animaux sont de plus en plus entassés, moins nombreux et les espèces sont moins diversifiées, ce qui les plus vulnérables aux maladies. La plus grande proximité avec les humains facilite également la transmission de nouveaux virus à Homo sapiens. Le phénomène est bien expliqué dans cette vidéo que je t’invite à découvrir :  « La biodiversité, un rempart contre les épidémies ? » (disponible à cette adresse : https://www.lumni.fr/video/la-biodiversite-un-rempart-contre-les-epidemies). L’actuelle pandémie de CoViD-19 est donc une conséquence particulièrement marquante de l’effondrement de la biodiversité.

 

Comment remédier à la situation ?

        Il n’y a pas une solution, mais plusieurs. Et tout le monde doit participer[22].

        Une solution consiste à augmenter la taille des aires protégées. Il faut également une protection efficace, qui n’est d’ailleurs pas forcément incompatible avec la présence humaine.

        Le problème étant en grande partie lié au mode de consommation actuel, tu peux également, chère lectrice, cher lecteur, apporter ta propre contribution en réduisant ton « empreinte écologique ». Alimentation, déplacements, limitation des gaspillages … les moyens d’agir sont nombreux. À toi de jouer !

 

 

Notes et références

[1] WWF : World Wide Fund For Nature, auparavant World Wildlife Fund (Fonds mondial pour la nature).

[2] Source : rapport Planète Vivante 2020, WWF, 10 septembre 2020. Synthèse et version complète disponibles à cette adresse : https://www.wwf.fr/rapport-planete-vivante

[3] Et les oiseaux ? Ce sont des reptiles à plumes. Ils sont donc inclus dans la liste, même s’ils ne sont pas nommés à part.

[4] Arachnides : araignées, scorpions et acariens (entre autres).

[5] Plus connus sous le nom de « mille-pattes ».

[6] Source : « La disparition des insectes se confirme », Libération, publié le 15 novembre 2019, mis à jour le 17 novembre 2019. Disponible à cette adresse : https://www.liberation.fr/sciences/2019/11/15/la-disparition-des-insectes-se-confirme_1762915

[7] Source : « Extinction de masse : les insectes disparaissent à une vitesse alarmante », National Geographic. Disponible à cette adresse : https://www.nationalgeographic.fr/environment/extinction-de-masse-les-insectes-disparaissent-une-vitesse-alarmante

[8] Source : « Biodiversité : près d’un invertébré sur cinq menacé d’extinction », Futura Sciences, publié le 3 septembre 2012, modifié le 1er janvier 2020. Disponible à cette adresse :  https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/zoologie-biodiversite-pres-invertebre-cinq-menace-extinction-41007/

[9] Yinon M. Bar-on, Rob Phillips et Ron Milo, « The biomass distribution on Earth », publié le 19 juin 2018. Disponible à cette adresse : https://www.pnas.org/content/115/25/6506

[10] Source : « Quand les mammifères sauvages perdent leur place », Libération, 24 décembre 2019. Disponible à cette adresse : https://www.liberation.fr/planete/2019/12/24/quand-les-mammiferes-sauvages-perdent-leur-place_1769555

[11] Archées : êtres vivants qui ressemblent à des bactéries, mais qui en diffèrent par de nombreux aspects.

[12] La question de savoir si les virus font partie ou non du monde vivant est encore débattue.

[13] Protistes : ensemble fourre-tout d’organismes constitués de cellules à noyau, mais qui ne sont ni des animaux, ni des champignons, ni des plantes. Exemples : les amibes.

[14] Mollusques : animaux à corps mou, non segmenté, protégé ou non par une coquille. Exemples : les escargots, les seiches, les huîtres …

[15] Nématodes : vers non segmentés, aussi connus sous le nom de « vers ronds ».

[16] Annélides : vers segmentés. Exemple : les lombrics.

[17] Cnidaires : animaux aquatiques, à symétrie radiale et qui utilisent des harpons urticants pour attraper  leurs proies. Exemples : les méduses, les coraux.

[18] Source : « 68% des animaux vertébrés ont disparu depuis 1970, selon le rapport Planète Vivante du WWF », France Info, 10 septembre 2020. Disponible à cette adresse : https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/biodiversite/68-des-animaux-vertebres-ont-disparu-depuis-1970-selon-le-rapport-planete-vivante-du-wwf_4100251.html

[19] Source : article de Libération cité précédemment.

[20] « 29 avril - 4 mai 2019 : la biodiversité au sommet », paru le 3 mai 2019 sur ce blog. Disponible dans les archives de mai 2019 ou directement à cette adresse : https://decryptons-la-science.typepad.com/decryptons-la-science/2019/05/sommet-biodiversite.html

[21] Source : « La disparition des animaux pourrait remettre en cause nos modes de vie », Le Monde, 30 octobre 2018. Disponible à cette adresse : https://www.lemonde.fr/biodiversite/article/2018/10/30/declin-de-la-faune-sauvage-la-nature-reprend-ses-droits-si-on-lui-en-laisse-le-temps_5376709_1652692.html

[22] Voir l’article du Monde cité précédemment.


Le point sur … les anticorps

Non, vous faire cracher dessus par un lama ne vous immunisera pas contre le coronavirus !

 

Lama

        La recherche tourne à plein régime pour lutter contre le coronavirus SARS-CoV-2 responsable de la CoViD-19.

        Alors que l’hydroxychloroquine fait régulièrement parler d’elle et qu’un vaccin ne sera probablement pas disponible avant 12 à 18 mois (ce qui serait tout de même un développement très rapide), l’une des pistes explorées est fondée sur les anticorps. Ont ainsi été évoqués des anticorps de lama[1], et plus récemment des anticorps humains[2]. Mais au fait, c’est quoi des anticorps ?

 

Anticorps : définition

        Les anticorps sont des glycoprotéines, c’est-à-dire des assemblages de glucides (« sucres ») et de protéines.

Structure anticorps    Structure d’un anticorps (très schématisée). Les chaînes lourdes sont en bleu, les chaînes légères en vert, les ponts disulfure en orange. Les régions constantes sont dans des tons foncés, les régions variables dans des tons clairs. Les régions en bleu moyen sont des « charnières ».

        Leur structure a la forme d’un Y. Ils sont formés de 4 chaînes de peptides[3] (2 chaînes longues et 2 chaînes courtes) reliées par un nombre variable de ponts disulfure (des liaisons chimiques entre atomes de soufre). Une partie est constante, très proche d'un anticorps à un autre. Les 2 « extrémités supérieures » du Y varient selon les anticorps (elles sont appelées « régions variables ») ; elles servent de sites de reconnaissance. Mais pour reconnaître quoi ?

 

Rôle(s)

        Les anticorps font partie du système de défense immunitaire. Ils ont brièvement été évoqués sur ce blog[4]. Revenons plus en détail sur leur rôle (mais restons simples quand même …).

        La défense immunitaire repose sur la distinction du « soi » (qui appartient à l’organisme à défendre) du « non-soi ». Le « non-soi » inclut des bactéries, des virus, ou même des molécules (les poisons, par exemple).

        Le « non-soi » est reconnu grâce aux marqueurs qu’il porte, différents de ceux du « soi ». Ces marqueurs sont identifiés par différents « acteurs » de l’immunité, comme les lymphocytes[5] B et T ou les anticorps.

        Un anticorps se lie à son antigène de prédilection en fixant ses sites de reconnaissance aux marqueurs. Comme un anticorps possède 2 sites de reconnaissance, il contribue non seulement à immobiliser, mais également à regrouper les antigènes. Ce qui facilite le travail des cellules chargées de débarrasser l’organisme des intrus (macrophages, lymphocytes …). Par ailleurs, une fois fixé à l’antigène, l’anticorps active d’autres composantes du système immunitaire en se liant par sa partie constante[6]. Vu la variété de l’arsenal en question, on ne va pas compliquer l’article et en rester là. Inutile pour l’instant de t’embrouiller, chère lectrice, cher lecteur, avec des mécanismes tels que le système du complément.

 

        Une dernière précision avant de boucler cet article.

        Les intrus comportent le plus souvent plusieurs types de marqueurs différents. Les anticorps ont donc 2 possibilités pour les attaquer : se fixer à 1 seul type de marqueurs ou à plusieurs.

        Si une population d’anticorps est spécialisée dans 1 seul type de marqueurs, ils seront alors tous identiques. On parle alors d’anticorps monoclonaux.

        Si une population d’anticorps est formée d’anticorps spécialisés dans plusieurs types de marqueurs différents, on parle alors d’anticorps polyclonaux.

Anticorps polyclonaux    Anticorps polyclonaux fixés à un antigène présentant 2 types de marqueurs différents.

        Les anticorps sont aujourd’hui largement utilisés en médecine, y compris comme médicaments. Dans ce cas, ceux à base d’anticorps monoclonaux sont reconnaissables au suffixe « -mab » qui termine leur dénomination commune internationale (exemple : le tocilizumab, testé contre la CoViD-19 pour éviter un emballement du système immunitaire provoqué par la maladie dans nombre de cas graves).

 

 

Notes et références

[1] Source : « Vers un traitement à base d’anticorps de lama contre le Covid-19 ? », Ouest France, 4 mai 2020. Disponible à cette adresse : https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/vers-un-traitement-base-d-anticorps-de-lama-contre-le-covid-19-6824721

[2] Source : « La découverte d'un anticorps humain relance l'espoir d'un traitement contre le Covid-19 », L’Express, 18 mai 2020. Disponible à cette adresse : https://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/la-decouverte-d-un-anticorps-humain-relance-l-espoir-d-un-traitement-contre-le-covid-19_2126284.html

[3] Peptide : assemblage d’acides aminés.

[4] Voir l’article « 12 décembre 2018 : un vaccin pour les abeilles ! ». Disponible dans les archives de décembre 2018 ou directement à cette adresse : https://decryptons-la-science.typepad.com/decryptons-la-science/2018/12/12-decembre-2018-vaccin-abeilles.html

[5] Lymphocyte : cellule du système immunitaire présente dans les ganglions lymphatiques (lieux de prolifération et de spécialisation des cellules immunitaires) et la rate. Fait partie des « globules blancs ».

[6] Source : article de l’encyclopédie en ligne Wikipédia consacré aux anticorps. Disponible à cette adresse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Anticorps

 


Le point sur … l’étoile Bételgeuse

Bételgeuse_ALMA_ESO    Bételgeuse photographiée par l’Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (ALMA). Image non modifiée. Crédit : ALMA (ESO/NAOJ/NRAO)/E. O’Gorman/P. Kervella. CC BY 4.0 (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/). Source : https://www.eso.org/public/images/potw1726a/

        Une fois de plus, ce blog va avoir la tête dans les étoiles ! Ou plutôt, pour être plus exact, les yeux tournés vers l’une d’entre elles : Bételgeuse.

        Cette étoile affiche depuis plusieurs semaines une étrange baisse de luminosité. Au point de lancer dans les médias la rumeur de son explosion imminente …

        Mais gardons la tête froide et analysons ceci d’un point de vue plus scientifique.

 

L’étoile Bételgeuse

        En temps normal, Bételgeuse est la deuxième étoile la plus brillante de la constellation d’Orion, et la 10ème plus brillante du ciel[1].

Localisation Bételgeuse_2    La constellation d’Orion, vue par le logiciel Stellarium. Bételgeuse y est représentée avec son éclat habituel.

        Proche de l’équateur céleste[2], elle est visible depuis la quasi totalité de la Terre. Curieusement, sa distance est mal connue et située quelque part entre 420 et 650 années-lumière, selon les études. La faute à sa forte brillance, qui a empêché les satellites Hipparcos et Gaia (chargés de mesurer les distances stellaires) de l’étudier[3].

        Il s’agit de ce que les astronomes appellent une « supergéante rouge ». Si sa masse n’est « que » d’environ 15 fois celle du Soleil, son enveloppe est encore plus imposante, et passe son temps à gonfler et dégonfler. Si elle prenait la place de notre étoile dans notre propre Système solaire, elle s’étendrait au minimum jusqu’à l’orbite de Mars, et jusqu’à celle de Jupiter pendant les phases « de gonflement »[4]. La luminosité d’une étoile dépendant en partie de sa taille[5], Bételgeuse brille des dizaines de milliers de fois plus que le Soleil. Le manque de précision dans la mesure de sa distance interdit de donner une valeur précise. Notons au passage qu’elle brille davantage quand elle est « gonflée ».

        Bien qu’âgée d’à peine quelques millions d’années, elle est déjà en fin de vie (d’où son instabilité chronique). En effet, plus une étoile est massive, plus les réactions de fusion nucléaire qui s’y produisent sont efficaces et plus elle épuise son « carburant » vite. Une toute petite étoile (comme Proxima du Centaure) mettra ainsi des dizaines, voire des centaines de milliards d’années à convertir le peu d’hydrogène à sa disposition en hélium, avant de « tomber en panne ». À l’inverse, les réserves d’une étoile environ quinze fois plus massive que le Soleil (comme Bételgeuse), bien que considérablement plus grandes, seront épuisées après moins de 10 millions d’années d’une véritable orgie énergétique …

        En fin de vie, toutes les étoiles voient leur enveloppe d’hydrogène se dilater fortement. Ce faisant, leur surface se refroidit et prend une couleur rouge. Froid tout relatif : la surface de Bételgeuse est tout de même portée à plus de 3 000°C[6] !

        Les plus petites étoiles (dont le Soleil) finissent leur vie calmement, en éjectant leurs couches externes pour former une coquille de gaz appelée « nébuleuse planétaire[7] ». Mis à nu, le cœur de la défunte étoile devient une naine blanche de la taille de la Terre.

        En ce qui concerne les étoiles les plus massives, elles finissent par accumuler du fer dans leur cœur. Problème : le fer est trop stable, on ne peut en tirer de l’énergie ni par fusion nucléaire (comme avec l’hydrogène), ni par fission (comme l’uranium). Sans énergie produite, la gravitation devient la plus forte. Le cœur se contracte de plus en plus. Les conditions de température et de pression deviennent telles que les électrons fusionnent avec les protons, ce qui génère un véritable déluge de neutrinos[8]. La partie centrale du cœur se transforme en une étoile à neutrons beaucoup plus petite (10 à 20 km de diamètre) et beaucoup plus dense. Les couches externes du cœur tombent à grande vitesse vers la toute nouvelle étoile à neutrons et rebondissent dessus à des vitesses de l’ordre de 10 à 20% de la vitesse de la lumière. L’étoile explose : on parle de supernova[9]. Le phénomène peut être plus lumineux qu’une galaxie entière[10].

        Bételgeuse finira donc sa vie avec pertes et fracas. Vue depuis la Terre, la supernova sera visible en plein jour, avant de voir sa luminosité décroître.

 

Baisse de luminosité : le début de la fin ?

        Bételgeuse est une étoile variable, dont la magnitude apparente[11] peut atteindre 0,4, voire 0,2, ou dépasser 1,2[12]. Pour mieux apprécier ces données, il faut savoir que plus le nombre est faible, plus l’objet concerné apparaît brillant dans le ciel terrestre, et qu’une variation d’1 magnitude représente une variation de luminosité d’un facteur 2,5.

        Elle est plus précisément ce que les astronomes appellent une « variable semi-régulière ». Ses variations de luminosité suivent des cycles de longueur différente, avec un cycle principal de 420 jours et deux autres de 5 à 6 ans et de 100 à 180 jours[13].

Orion 12-01-2020    Photo de la constellation d’Orion, prise le 12 janvier 2020. Bételgeuse y apparaît moins brillante que Rigel (magnitude apparente de 0,18) (alors qu’elle est d’habitude presque aussi brillante), et d’éclat assez comparable à celui de Bellatrix (étoile qui représente l’autre épaule d’Orion, d’une magnitude apparente d’1,64).

        La baisse de luminosité actuelle est donc probablement juste une coïncidence des minimums de ces cycles, ce qui la rend plus marquée que d’habitude[14]. Si c’est le cas, l’éclat de l’astre augmentera à nouveau dans les semaines ou les mois à venir.

        De toutes façons, l’évolution du cœur de Bételgeuse ne se voit pas immédiatement à la surface de la supergéante.

        Dans une étoile, les photons ne sortent pas immédiatement après leur naissance. Dans le cas du Soleil, ils mettent environ 200 000 ans pour parcourir les quelque 700 000 km qui séparent le centre de la surface. En effet, sur 70% du trajet, l’énergie est transmise par conduction, ils interagissent avec le plasma des millions de fois et repartent à chaque fois dans une direction aléatoire. Les 30% restants sont quant à eux expédiés en 2 mois, car l’énergie y est évacuée par convection (c’est-à-dire avec transport de matière)[15]. L’enveloppe de Bételgeuse est elle aussi convective[16], mais n'oublions pas que l'étoile en question est 1 000 fois plus grande que le Soleil (à la louche). Pour les photons, la sortie s’annonce donc bien lointaine …

        De plus, en fin de vie, une étoile de 15 fois la masse du Soleil change de « carburant nucléaire » de plus en plus rapidement. Si elle a brillé grâce à la fusion d’hydrogène pendant des millions d’années, elle ne « carburera » au carbone que pendant environ 6 000 ans, au néon pendant environ 7 ans, à l’oxygène pendant environ 2 ans et au silicium pendant environ 6 jours, avant de connaître la fin explosive décrite précédemment[17].

        Les photons produits parviennent en surface beaucoup plus lentement. Les ultimes changements dans le cœur restent donc invisibles de l’extérieur. Impossible de prédire le moment où la supernova surviendra …

        La baisse de luminosité de Bételgeuse n’est donc pas nécessairement l’annonce de son explosion. Particulièrement spectaculaire, cette dernière est très attendue, mais le moment précis où sa lumière nous parviendra sera une surprise totale. D’ici là, je te souhaite, chère lectrice, cher lecteur, de bonnes observations sous les étoiles …

 

 

Notes et références

[1] Ce classement peut varier, selon que l’on considère les systèmes stellaires dans leur ensemble ou que l’on classe individuellement les étoiles qui les composent. Par exemple, depuis la Terre, Alpha du Centaure apparaît plus brillante que Bételgeuse, mais c’est une étoile double (même triple, mais tellement proche de nous que la 3ème étoile, Proxima du Centaure, est vue comme clairement séparée). La variabilité de certaines étoiles complique également l’établissement de ce « hit-parade » stellaire 100% géocentrique.

[2] Équateur céleste : projection de l’équateur terrestre sur la sphère céleste.

[3] Source : « Étoile Bételgeuse : « Une baisse de luminosité n'annonce pas une supernova » », Le Point, 9 janvier 2020. Disponible à cette adresse : https://www.lepoint.fr/astronomie/etoile-betelgeuse-une-baisse-de-luminosite-n-annonce-pas-une-supernova-09-01-2020-2356998_1925.php

[4] Source : article de l’encyclopédie en ligne Wikipédia consacré à Bételgeuse. Disponible à cette adresse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bételgeuse

[5] Une étoile géante est beaucoup plus visible qu’une étoile naine. Mais les choses ne sont pas si simples, comme l’explique cette page : http://www.astrosurf.com/luxorion/corpsnoir-etoiles2.htm

[6] Source : article de l’encyclopédie en ligne Wikipédia consacré à Bételgeuse.

[7] Objet appelé ainsi car vus dans les télescopes du 18ème siècle, les premiers exemplaires (sphériques)  ressemblaient à des planètes. Mais la comparaison s’arrête là.

[8] Neutrino : particule sans charge électrique, qui interagit très peu avec la matière.

[9] Plus exactement de supernova de type II, Ib ou Ic. Mais on va rester très schématique dans cet article …

[10] Source : article de l’encyclopédie en ligne Wikipédia consacré aux supernovas. Disponible à cette adresse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Supernova#Type_II,_Ib_et_Ic

[11] Magnitude apparente : grandeur (sans unité) qui mesure la luminosité d’un objet céleste, vu depuis la Terre.

[12] Source (en anglais) : page consacrée à Bételgeuse par l’American Association of Variable Stars Observers (AAVSO). Disponible à cette adresse : https://www.aavso.org/vsots_alphaori

[13] Source : « Les astronomes au chevet de l'étoile Bételgeuse », Libération, 14 janvier 2020. Disponible à cette adresse : https://www.liberation.fr/sciences/2020/01/14/les-astronomes-au-chevet-de-l-etoile-betelgeuse_1772781

[14] Sources : article du Point (cf. note n°2) ; « Bételgeuse : sa baisse de luminosité décryptée par Sylvie Vauclair », Futura Sciences, publié le 13 janvier 2020, modifié le 14 janvier 2020. Disponible à cette adresse : https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/etoile-betelgeuse-baisse-luminosite-decryptee-sylvie-vauclair-79164/

[15] Source : « Soleil, sa réelle influence sur la Terre », Ciel & espace n°569, février/mars 2020, p.52.

[16] Source : « Structure et Évolution des étoiles », diapositive 58. Disponible à cette adresse : http://www.astro.ulg.ac.be/~dupret/Structure-etoiles.pdf

[17] Source : « Structure et Évolution des étoiles », diapositive 77. Disponible à cette adresse : http://www.astro.ulg.ac.be/~dupret/Structure-etoiles.pdf


Le point sur … les maladies génétiques

        Le blog Décryptons la science ! lance une nouvelle rubrique : Le point sur …

        À l’occasion du lancement de l’édition 2019 du Téléthon, ce sont les maladies génétiques qui seront abordées aujourd'hui.

 

Code génétique : le principe

        Tout être vivant sur Terre dispose d’un code génétique. Ce code est porté par une molécule répondant au nom d’acide désoxyribonucléique (ou ADN pour les intimes)[1].

Modèle molécule ADN    Modèle moléculaire de la molécule d’ADN. Code couleur des atomes : blanc = hydrogène, rouge = oxygène, bleu = azote, gris = carbone, jaune = phosphore. Auteur : Zephyris. Source : Wikimédia Commons (https://en.wikipedia.org/wiki/File:DNA_Structure%2BKey%2BLabelled.pn_NoBB.png). Image non modifiée. CC BY-SA 3.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/deed.fr).   

        Cette molécule est constituée d’un assemblage de groupes phosphates (acide phosphorique), de désoxyriboses (des « sucres ») et de bases azotées. Le tout prend la forme d’une double hélice dont les phosphates et les désoxyriboses constituent l’armature et les bases azotées les « barreaux ».

Structure ADN    Schéma d’une portion de molécule d’ADN. Les phosphates sont en jaune, les désoxyriboses en orange, l’adénine est en vert, la cytosine en rouge, la guanine en bleu et la thymine en mauve. Auteur : Madprime. Source : Wikimédia Commons (https://commons.wikimedia.org/wiki/File:DNA_chemical_structure-1-.fr.svg). Image non modifiée. CC BY-SA 3.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/deed.fr). 

        L’information génétique est codée par 4 bases azotées : l’adénine (notée A), la cytosine (notée C), la guanine (notée G) et la thymine (notée T). Les bases se lient entre elles par des « ponts hydrogène »[2], des liaisons chimiques moins fortes que les liaisons covalentes[3]. L’adénine est toujours liée à la thymine, et la guanine toujours liée à la cytosine.

        En assemblant un groupe phosphate, un désoxyribose et une base azotée, on forme un nucléotide (nommé d’après la base azotée). La succession des nucléotides détermine le code génétique, qui peut être schématisé par une suite de A, C, G et T. Le « livre de recettes » qu’est l’ADN est donc en quelque sorte écrit avec ces 4 lettres.

        Pour le décoder et construire un être vivant, la double hélice d’ADN se sépare en 2 brins. Des nucléotides d’acide ribonucléique (ARN) s’assemblent avec l’un des brins. Les nucléotides de l’ARN sont presque les mêmes : seule la thymine est remplacée par l’uracile (notée U). Cet ARN va être « lu » par une « machine », le ribosome. Les nucléotides sont groupés par 3, ce qui donne 4 x 4 x 4 = 64 combinaisons différentes (les codons), qui codent pour les 22 acides aminés utilisés pour fabriquer les protéines nécessaires et pour l’arrêt de la synthèse (il y a donc une certaine redondance). Le ribosome va jouer le rôle de « cuisinier » en assemblant les acides aminés correspondant aux codons[4]. La succession de nucléotides nécessaires pour suivre une « recette » du début à la fin constitue un gène.

        Au cours de la division cellulaire, l’ADN est réparti sur plusieurs fragments : les chromosomes.

 

Une mécanique pas si bien huilée

        Appliqué rigoureusement, le mécanisme décrit précédemment permet d’obtenir une copie conforme de l’ADN et de l’être vivant qu’il permet de construire.

        Mais cette belle mécanique fait parfois des « erreurs ». Il lui arrive de remplacer un nucléotide par un autre, ce qui produit une mutation du gène concerné. Les gènes ont ainsi plusieurs « variantes » : les allèles.

        Les conséquences des mutations sont diverses. Si la mutation touche une portion d’ADN non codant[5], ou si le nouveau triplet de nucléotides code pour le même acide aminé que l’original[6], la mutation peut être sans conséquence (on parle de mutation silencieuse). Sinon, la mutation modifie la structure de la protéine fabriquée en insérant un autre acide aminé (mutation faux sens), ou en faisant arrêter sa fabrication en cours de route si elle induit l’apparition d’un codon « stop » (mutation non sens)[7].

        La mutation peut avoir des avantages pour son porteur, qui se reproduira plus facilement et propagera son « innovation ». À l’inverse, une mutation néfaste pénalisera son porteur, qui peut disparaître sans descendance (en emportant la mutation avec lui). Certaines mutations (comme celles à l’origine des groupes sanguins) ne présentent ni avantages, ni inconvénients pour leur porteur : elles sont dites « neutres ». L’évolution repose donc en grande partie sur la faillibilité de la duplication de l’ADN. Les cellules cancéreuses sont également des cellules mutantes.

 

Les maladies génétiques

        Les maladies génétiques font parties des conséquences de mutations désavantageuses. Toutefois, posséder un allèle défavorable n’induit pas forcément de déclarer une maladie.

        Les chromosomes se présentent en effet par paire. Chez les humains, il existe 22 paires de chromosomes dits « homologues » (numérotés de 1 à 22)[8], ainsi qu’une paire de chromosomes sexuels (notés X et Y ; les femmes ont 2 chromosomes X, les hommes 1 chromosome X et 1 chromosome Y). Une moitié des chromosomes (22 autosomes + 1 chromosome sexuel) est héritée de la mère, l’autre du père. Chacun des parents apporte un allèle de chaque gène.

Caryotype humain     Chromosomes humains. Auteur : National Human Genome Research Institute. Source : Wikimédia Commons (https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Human_karyotypes#/media/File:DNA_human_male_chromosomes.gif).

        Les allèles s’expriment de différentes façons. Certains sont dits « récessifs » : pour s’exprimer, ils doivent être présents sur les 2 chromosomes d’une même paire. Certains sont dits « dominants » : ils s’expriment même s’ils ne sont présents qu’en 1 seul exemplaire. D’autres sont dits « codominants » : les deux allèles, bien que différents, s’expriment. Prenons l’exemple des groupes sanguins, dont le gène se trouve sur le chromosome 9. L’allèle du groupe O est récessif : il faut donc 2 chromosomes 9 porteurs de cet allèle pour être du groupe O. Les allèles des groupes A et B sont donc dominants par rapport à lui. Ils sont en revanche codominants : une personne porteuse des 2 allèles sera de groupe AB[9].

        Une autre source de maladie peut être le nombre de chromosomes. Lors de la production de gamètes (ovules ou spermatozoïdes), des cellules se divisent en deux, léguant un chromosome de chaque paire. Néanmoins, il peut arriver que la séparation se fasse mal, et que deux chromosomes d’une même paire se retrouvent dans le même gamète, et qu’à l’inverse, une paire ne soit pas représentée dans un gamète. On peut donc rencontrer des formules chromosomiques à 45 chromosomes (1 chromosome X seul, par exemple), à 47 (exemples : 3 chromosomes 21, 2 chromosomes X et 1 Y …), voire plus.

        Les chromosomes peuvent également être altérés : morceaux manquants (délétion) ou à l’inverse en trop (duplication), transfert de segments d’un chromosome à un autre (translocation)[10] …

 

        Les maladies génétiques sont nombreuses, et leurs causes variées.

        La recherche permet d’ores et déjà de traiter certains symptômes. Elle permettra bientôt de traiter les causes, grâce à la thérapie génique ou aux « ciseaux moléculaires » (à utiliser avec précaution)[11]. À suivre …

 

 

Notes et références

[1] De nombreux virus portent leur code génétique sur une molécule d’acide ribonucléique, ou ARN, plus courte et moins stable. Mais la question de savoir si les virus font partie ou non du vivant est loin d’être tranchée …

[2] Pont hydrogène : force essentiellement électrostatique qui lie un atome d’hydrogène à un atome d’oxygène, d’azote ou de fluor

[3] Liaison covalente : liaison de deux atomes par mise en commun de deux électrons.

[4] Pour plus de précisions sur le fonctionnement des ribosomes, voir l’article de l’encyclopédie en ligne Wikipédia qui leur est consacré : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ribosome

[5] ADN non codant : ADN inutilisé pour la fabrication de l’être vivant auquel il appartient. Ce qui ne veut pas forcément dire qu’il ne sert à rien …

[6] Ce qui peut se produire, grâce à la redondance de la correspondance entre codons et acides aminés.

[7] Source : article de l’encyclopédie en ligne Wikipédia consacrée aux mutations génétiques. Disponible à cette adresse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Mutation_(génétique)

[8] Également appelés « autosomes ».

[9] Source : article de l’encyclopédie en ligne Wikipédia consacrée aux allèles. Disponible à cette adresse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Allèle

[10] Source : article de l’encyclopédie en ligne Wikipédia consacrée aux anomalies chromosomiques. Disponible à cette adresse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Anomalie_chromosomique

[11] Source : « Génétique : nouvelle avancée dans le traitement des maladies incurables », France Info, 8 décembre 2017. Disponible à cette adresse : https://www.francetvinfo.fr/sante/biologie-genetique/genetique-nouvelle-avancee-dans-le-traitement-des-maladies-incurables_2505003.html