On va en parler ...

On va en (re)parler : le projet « Montagne d’Or »

Montagne d’or vs montagne de problèmes ?

Montagne d'or

        Du 7 mars au 7 juillet, s’est tenu en Guyane un débat public sur le projet « Montagne d’Or ». Qu’es aquò ?

        Sous ce nom qui fleure bon la légende inca et l’El Dorado se « cache » en fait un projet de mine d’or. « Détail » qui  lui donne toute sa saveur polémique : le gisement doit être exploité à ciel ouvert et se situe à proximité d’une réserve naturelle, en pleine forêt tropicale guyanaise …

        Mais gardons la tête froide et analysons ceci d’un point de vue plus scientifique.

 

Un emplacement particulièrement gênant

        Le site se situe en pleine forêt, entre le mont Lucifer et le massif Dékou-Dékou[1]. Ces deux massifs forment une réserve biologique intégrale[2] en deux parties, avec une faune et une flore remarquables, comprenant des espèces endémiques[3]. La forêt située entre ces deux morceaux de réserve contient elle aussi son lot d’espèces protégées.

Carte Montagne d'Or    Carte de localisation du site de la Montagne d’Or. Origine du fond de carte : https://d-maps.com

        La perspective de creuser un gigantesque trou béant à cet endroit a donc déjà de quoi faire hurler toutes celles et tous ceux qui ont une sensibilité écologique. Et encore, s’il n’y avait que le trou …

 

L’extraction d’or : une activité « empoisonnante »

        Dans ce genre de gisement, il ne suffit malheureusement pas de se baisser pour ramasser des pépites d’or. Il faut broyer la roche et l’extraire. Et c’est là qu’est l’os.

        La méthode « à l’ancienne » utilise du mercure. Longtemps employé dans les thermomètres, certaines lampes, certains antiseptiques (pas de marque !), des batteries et les soins dentaires (j’oublie certainement d’autres usages), l’ex « vif-argent » n’a aujourd’hui plus la cote. La Convention de Minamata, dont le texte a été adopté en octobre 2013, et qui est entrée en vigueur le 16 août 2017, a limité son usage[4]. Principale cause du profond désamour pour ce métal[5] : sa très grande toxicité, quelle que soit sa forme (il est responsable notamment de la maladie de Minamata). Il est particulièrement mobile et assimilable sous forme de méthylmercure (CH3Hg)[6] et s’accumule dans la chaîne alimentaire (avec une mention particulière pour les poissons et les cétacés, en haut de ladite chaîne). Bon appétit !

Accumulation méthylmercure    Accumulation de méthylmercure dans la chaîne alimentaire. Source : « Le mercure dans la chaîne alimentaire », Gouvernement du Canada, consultable à cette adresse : https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/services/polluants/mercure-environnement/preoccupations-sante/chaine-alimentaire.html

        Le mercure est désormais souvent remplacé par du cyanure de potassium, de sodium ou de calcium[7]. Toxiques, ils nécessitent une récupération des "eaux usées" et un traitement[8]. Lequel se fait dans des bassins de retenue, un cadre idyllique pour des microorganismes mangeurs de cyanure. Le chlore marche aussi, mais cette solution se révèle elle aussi polluante.

 

Oups, ça coule à côté …

        Toujours du côté des risques aqueux, remontons le passé à la recherche de précédents.

        La mise en contact d’eau, de dioxygène et de sulfures[9] conduit à la formation d’un écoulement acide, appelé drainage minier acide. Par exemple, en mettant en contact de la pyrite, de l’eau et de l’oxygène, on obtient de l’hydroxyde de fer et de l’acide sulfurique[10]. Un exemple très connu est le Río Tinto, en Andalousie. Situé à proximité de mines exploitées depuis l’Âge de Bronze, il est pollué par un drainage minier acide[11] et affiche, en plus de fortes concentrations en métaux, un pH de 2, soit le même que le liquide contenu dans un estomac.

Rio tinto    Le Río Tinto. Domaine public, source : Wikimédia Commons

        Si on veut encore plus spectaculaire, Il y a un précédent d’un autre genre, particulièrement marquant : la catastrophe de Baia Mare, en Roumanie, en 2000. Un barrage de retenue de qui cède, et voilà près de 300 000 m3 d’effluents[12] chargés de cyanure et de métaux lourds dans la nature. Bilan : faune et flore aquatiques complètement détruites sur 600 km, et une pollution encore détectable à l’embouchure du Danube, à 2 000 km en aval[13] !

 

        Des perspectives peu réjouissantes, donc, même si Montagne d’Or l’assure : tout est prévu, et l’exploitation laissera le moins de traces possible ! Mais pour qu’elles aient une (mal)chance de se concrétiser, le projet doit être confirmé. Et vu l’opposition rencontrée, c’est encore loin d’être gagné. Affaire à suivre …

Notes et références

[1] Source : site Web de la compagnie minière Montagne d’Or, onglet « Localisation et histoire », disponible à cette adresse : https://montagnedor.fr/mdo-le-projet/localisation-et-histoire/

[2] Pour faire simple dans l’explication de l’expression « réserve biologique intégrale » : PAS TOUCHE !

[3] Qu’on ne trouve que dans ce coin

[4] Convention de Minamata sur le mercure : pays signataires et ayant ratifié http://www.mercuryconvention.org/Pays/tabid/5581/language/fr-CH/Default.aspx

[5] Si si, c’est bien un métal, même s’il est liquide à température ambiante …

[6] Source : « Le mercure et ses composés. Comportement dans les sols, les eaux et les boues de sédiments », BRGM, juin 2003. Disponible à cette adresse : http://infoterre.brgm.fr/rapports/RP-51890-FR.pdf

[7] Surtout pas de cyanure d’hydrogène : il est mortel, pas besoin d’en faire la pub …

[8] Article de l’encyclopédie en ligne Wikipédia sur la cyanuration, disponible à cette adresse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Cyanuration

[9] Minéraux riches en soufre, comme la pyrite (sulfure de fer [FeS2]) ou la galène (sulfure de plomb[PbS])

[10] Source : définition du drainage minier acide du site techno-science.net. Disponible à cette adresse : https://www.techno-science.net/?onglet=glossaire&definition=5789

[11] Source : Hudson-Edwards, K. A., Schell, C., et Macklin, M. G., « Mineralogy and geochemistry of alluvium contaminated by metal mining in the Rio Tinto area, southwest Spain », Applied Geochemistry, 1999, 14(8), p. 1015-1030

[12] Des eaux usées, en quelque sorte

[13] Ministère chargé de l’environnement - DPPR / SEI / BARPI, « Pollution des eaux par des effluents cyanurés en Europe de l’est le 30 janvier 2000, Baia Mare, Roumanie ». Disponible à cette adresse : https://www.aria.developpement-durable.gouv.fr/wp-content/files_mf/FD_17265_baia_mare_2000_fr.pdf