Science intruse

Du rififi près de Géonosis

Star Wars pas très scientifique ?

Chasseur Jedi

        Tiens, ça faisait un moment que je n’avais pas alimenté la rubrique « Science intruse » !

        Je vais aborder aujourd’hui un objet massivement « culte » : la saga Star Wars.

        Je préviens de suite : point de sabre laser ici (il s’agit d’ailleurs plus vraisemblablement d’une torche à plasma confinée dans une « bouteille » magnétique que d’un laser), ni d’Étoile de la mort (quoique …). Je vais décortiquer une séquence de l’épisode II (L’Attaque des clones) : la course-poursuite d’Obi-Wan Kenobi et Jango Fett à proximité de Géonosis.

 

Les anneaux de Géonosis

        À l’image de Saturne (et de toutes les planètes géantes du Système solaire), Géonosis (qui est une planète rocheuse) possède des anneaux.

Saturne_Cassini    Saturne et ses anneaux, vus par la sonde Cassini. Crédit : NASA/JPL-Caltech/SSI/Cornell. Source : https://www.nasa.gov/mission_pages/cassini/multimedia/pia17474.html

        Contrairement à ce que leur aspect (vus de loin) peut laisser penser, les anneaux de Saturne ne sont pas d’un seul tenant. Ils sont constitués de glaces et de roche, sous la forme d’innombrables « blocs » dont la taille varie entre celle d’une poussière et celle d’une maison. Quelques uns atteignent la taille d’une montagne. Ces blocs se comportent chacun comme une minuscule lune[1].

        Les anneaux de Géonosis sont très particuliers. Les blocs qui les constituent sont beaucoup plus gros, de la taille d’un astéroïde. Certains sont même percés de tunnels suffisamment larges pour laisser passer des vaisseaux spatiaux. De tels objets sont peu probables en réalité. La propagation des cassures utilise préférentiellement les défauts des matériaux. Une faiblesse (genre tunnel) pourrait être utilisée par une cassure en formation. Quant à former un tunnel de cette taille en agglomérant des blocs de roche, c’est plutôt difficile.

        Très gros, très nombreux et très proches, les astéroïdes devraient entrer fréquemment en collision à l’intérieur des anneaux, et être pulvérisés en morceaux bien plus petits. Les anneaux de Géonosis sont donc probablement très récents[2]. À la fin du film, le spectateur peut découvrir que le concept de l’Étoile de la mort est justement originaire de cette planète. Un prototype de cette arme aurait-il été testé sur une lune géonosienne ?

 

Des charges vraiment soniques ?

        Pris en chasse par Obi-Wan Kenobi, Jango Fett essaie de se débarrasser de lui à l’aide de « charges soniques ». Le nom de l’arme n’est a priori pas adéquat. Le combat a lieu dans l’espace, qui est censé être vide (ou presque) entre les différents objets qui le peuplent. Or le son est une onde qui a besoin de matière pour se propager (contrairement à la lumière).

Propagation son

    Propagation du son dans l’air. Les points gris représentent les molécules d’air déplacées par l’onde sonore. Auteur : Pluke. Source : Wikimédia Commons (https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Sound#/media/File:CPT-sound-physical-manifestation.svg). CC0 (https://creativecommons.org/publicdomain/zero/1.0/deed.en). 

        Le Web fourmille également de vidéos de sources sonores isolées sous des cloches de verre, et sous lesquelles une pompe fait le vide.

        Les « charges soniques » ne peuvent donc pas se contenter de créer une onde de choc, il faut également qu’elles expulsent de la matière. Vu leur faible taille, ça semble peu probable.

        Enfin, notons que les moteurs des vaisseaux sont parfaitement audibles. Ce combat spatial (comme tous ceux de la saga Star Wars, d’ailleurs) est donc beaucoup trop « bruyant » !

 

Moteurs : science et fiction

        Tiens, parlons-en des moteurs.

        Les vaisseaux se déplacent à travers la galaxie à une vitesse déconcertante (si ce n’était pas le cas, le rythme des films baisserait significativement). Ils avalent les années-lumière à grands renforts de sauts dans l’hyper-espace. Ce moyen de propulsion leur permet de se déplacer plus vite que la lumière, ce qui est théoriquement impossible. Sinon, on pourrait voyager dans le passé, ce qui constituerait une entorse à l’ordre temporel et au « principe de causalité » (les causes précèdent les effets).

        Pour ne pas se faire prendre en flagrant délit d’excès de vitesse cosmique, les scientifiques ont imaginé quelques solutions.

        L’une d’elles, la métrique d’Alcubierre, permet de créer une distorsion de l’espace-temps. Ce n’est pas le vaisseau qui voyage plus vite que la lumière, mais la distorsion sur laquelle il « surfe ». Gros problème (parmi d’autres) : il faut disposer de stocks d’une matière de masse négative pour créer ladite distorsion[3]. Et une fois créée, cette « bulle » d’espace-temps est incontrôlable de l’intérieur.

        Autre solution, proposée par le physicien Sergueï Krasnikov : creuser des « tunnels » dans l’espace-temps, ce qui permettrait de réduire significativement le temps de parcours d’un point à un autre, tout en respectant la limitation de vitesse. Il faudrait donc au préalable creuser tout un réseau pour parcourir rapidement la galaxie. Mais là encore, il faut disposer de matière de masse négative[4] !

        Le voyage à vitesse (en apparence) supraluminique reste donc hors de portée de notre technologie du 21ème siècle. De toute façon, le problème lié au principe de causalité reste entier …

        Par contre, l’un des modes de propulsion utilisés par les vaisseaux de Star Wars est devenu réalité. Il s’agit du moteur ionique, à l’origine du nom des chasseurs TIE (Twin Ion Engine).

Moteur ionique_fonctionnement     Principe de fonctionnement d’un moteur ionique. Source : https://www.industrie-techno.com/article/vers-mercure-bepicolombo-carbure-a-l-electricite.53995

        Des atomes sont injectés dans une chambre, puis ionisés à l’aide d’un faisceau d’électrons. Ainsi devenus sensibles aux champs magnétiques, ils sont accélérés par des grilles et éjectés à grande vitesse vers l’arrière, ce qui propulse le vaisseau vers l’avant. Des électrons sont ensuite rajoutés aux ions éjectés pour les rendre à nouveau neutres et leur permettre de voyager en ligne droite. Ce moteur est peu gourmand en carburant et demande de l’électricité[5]. Il est déjà en cours d’utilisation : les sondes Dawn, BepiColombo et Hayabusa 2 en sont équipées. Seul bémol : ces moteurs sont endurants, mais encore peu puissants. Ils ne permettent donc pas encore de réaliser les mêmes pirouettes que dans Star Wars …

 

        Voici donc un tout petit échantillonnage de ce que l’on peut étudier d’un point de vue scientifique dans un passage de Star Wars. En passant en revue la saga entière, il est possible d’aborder des thèmes aussi différents que la planétologie, la biologie[6] …

        Et surtout, un point à ne pas perdre de vue : Star Wars est un space opera à grand spectacle, pas un documentaire !

 

 

Notes et références

[1] Source (en anglais) : NASA Science - Solar System exploration - page consacrée à Saturne. Disponible à cette adresse :  https://solarsystem.nasa.gov/planets/saturn/in-depth/

[2] Source : Roland Lehoucq, Faire de la science avec Star Wars, Le Pommier, 2005, 2ème et 3ème éditions : Le Bélial’, 2015 et 2017.

[3] Source : article de l’encyclopédie en ligne Wikipédia consacré à la métrique d’Alcubierre. Disponible à cette adresse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Métrique_d’Alcubierre

[4] Source : « Des tunnels dans l'espace-temps », Pour la science, 1er janvier 2000. Disponible à cette adresse : https://www.pourlascience.fr/sd/physique/des-tunnels-dans-lespace-temps-3986.php

[5] Source : « Vers Mercure, BepiColombo carbure à l’électricité », Industries et Technologies, 18 octobre 2018. Disponible à cette adresse : https://www.industrie-techno.com/article/vers-mercure-bepicolombo-carbure-a-l-electricite.53995

[6] Travail déjà (très bien) réalisé par Roland Lehoucq, voir la note n°2.


L’Âge de glace 4 : la géologie façon Scrat

Bientôt L’Âge de glace 6 ?

Scrat

        Cette semaine, InSight a enregistré son premier séisme martien ! Cool, mais j’ai déjà consacré un article à cette mission[1] …

        Je vais donc relancer la rubrique « Science intruse », un chouïa délaissée ces derniers temps. Vacances scolaires (et dessins animés qui vont avec) obligent, je te propose, chère lectrice, cher lecteur, de décortiquer le début de L’Âge de glace 4 : la dérive des continents.

        Une œuvre qui, comme tous les opus de L’Âge de glace, commence par les inénarrables aventures de Scrat, l’écureuil[2] le plus déjanté du cinéma.

 

Voyage au centre de la Terre

        Le film s’ouvre sur le susnommé Scrat, qui va une fois de plus planter un gland dans la glace … et ouvrir une faille qui traverse complètement la croûte et le manteau terrestre, soit environ 2 900 km de profondeur. Waouh, trop fort, l’écureuil !

Terre en coupe    La structure de la Terre, vue en coupe (à l’échelle à gauche, et échelle non respectée à droite). Crust : croûte ; mantle : manteau ; outer core : noyau externe ; inner core : noyau interne. Auteur : USGS, source : https://pubs.usgs.gov/gip/dynamic/inside.html. Domaine public.

        S’ensuit une chute libre vertigineuse, accélérée par la gravité de la planète. Le temps nécessaire pour traverser la Terre de part en part est estimé à 38 ou 42 minutes, selon les études. Le centre serait donc atteint en environ 20 minutes.

        Curieusement, Scrat tombe directement sur le noyau interne de la Terre (aussi appelé « graine »). Lequel est comme « suspendu » dans une cavité sphérique. Ce qui amène plusieurs remarques.

        Petit un : à la limite du manteau et du noyau, la température est estimée à plus de 3 000°C et la pression à plus de 100 gigapascals, soit 1 millions de bars[3] ! Comment un tel « trou » fait-il pour ne pas être bouché dans ces conditions ?

        Petit deux : où est passé le noyau externe (qui apparaît par ailleurs sur la vue en coupe de la Terre montrée brièvement pendant la chute de Scrat) ? Une couche de fer fondu de 2 200 km de profondeur, ça ne disparaît pas comme par magie. Et petit rappel : c’est justement ce métal en fusion qui produit le champ magnétique terrestre et participe à rendre la planète habitable ...

        Petit trois : la graine elle-même. Elle est censée être portée à une température d’environ 5 000°C. Difficile donc de courir dessus sans se brûler sévèrement les pattes, y compris pour un écureuil apparemment ultra résistant. Elle semble également de faible dimension. Un arrêt sur image donne une boule environ 10 fois plus grande que Scrat. En supposant ce dernier proche d’un écureuil gris et donc d’une taille d’environ 30 à 35 cm[4], on obtient une graine de 3 à 3,5 mètres de diamètre (à comparer avec les 2 500 km estimés à l’aide de la sismologie).

 

La tectonique des plaques version préhistorique

        Pour attraper son cher gland, Scrat marche sur la graine. Curieusement, un écureuil d’environ 500 grammes arrive à faire « rouler » une boule de fer et de nickel dont la masse peut être estimée à environ 290 tonnes[5] (ah oui, c’est vrai, elle « flotte » au milieu de nulle part).

        Cette rotation de la graine a un effet curieux sur la surface de la Terre : la dérive des continents, présentés comme formant un seul et unique continent par le film (il y a très très longtemps). Un œil averti reconnaîtra la Pangée, disloquée à partir du Trias, donc à l’époque des dinosaures. Un continent unique, et de plus trop chaud pour abriter le moindre glaçon !

Terre Trias    La Terre au début du  Trias, il y a 237 millions d’années. Auteur : C. R. Scotese, source : https://www.ocean.washington.edu/courses/climate_extremes/Tutorial/Paleomaps/TRIASSIC.jpg

        La Terre de L’Âge de glace devrait plutôt ressembler à celle du Pléistocène :

Terre Pléistocène    La Terre au Pléistocène, il y a 18 000 ans. Auteur : C. R. Scotese, source : https://www.ocean.washington.edu/courses/climate_extremes/Tutorial/Paleomaps/PLEIST.jpg

        Notons également que le déplacement des continents est loin d’être aussi rapide que ce que le film suggère : l’océan Atlantique nord éloigne l’Europe et l’Amérique du Nord d’environ 2 cm par an[6]. Les morceaux de plaque terrestre les plus « rapides » se déplacent d’un peu plus de 8 cm par an.

        Le phénomène n’est en réalité pas dû à un écureuil, mais à la convection du manteau terrestre. La convection est un phénomène facile à observer : il suffit de faire chauffer de l’eau dans une casserole. L’eau au fond est plus chaude, donc plus légère, et remonte à la surface. Elle s’y refroidit et replonge.

Convection_casserole    Convection dans une casserole d’eau. L’eau chaude est représentée en rouge, l’eau froide en bleu. Auteur : Loloemr~commonswiki, source : Wikimédia Commons (https://fr.wikipedia.org/wiki/Convection_thermique#/media/File:Convection_casserole.png). Domaine public.

        Il peut sembler étrange qu’un milieu solide, comme le manteau terrestre, abrite des mouvements de convection. Il faut savoir qu’à l’échelle des millions d’années, le manteau terrestre a un comportement non plus solide, mais visqueux. La convection y devient donc possible. C’est elle qui permet de dissiper la chaleur interne de la Terre.

 

        Le retour de Scrat à la surface est tout aussi original. Il s’enroule et se déroule autour du noyau (notons au passage l’exceptionnelle élasticité du corps de l’écureuil). Propulsé à grande vitesse, il atteint l’espace (où, curieusement, il respire et crie, malgré l’absence d’air) et finit par retomber à la surface terrestre.

        Tu l’auras compris, chère lectrice, cher lecteur, nous sommes bel et bien dans un dessin animé et tout ceci est volontairement exagéré …

 

Notes et références

[1] « 26 novembre 2018 : atterrissage d’InSight sur Mars », 30 novembre 2018. Disponible dans les archives du mois de novembre de ce blog ou directement à cette adresse : https://decryptons-la-science.typepad.com/decryptons-la-science/2018/11/26-novembre-2018-atterrissage-insight-mars.html

[2] Un écureuil plutôt original, surtout d’un point de vue dentaire …

[3] Source : article de l’encyclopédie en ligne Wikipédia consacré à la structure interne de la Terre. Disponible à cette adresse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Structure_interne_de_la_Terre

[4] Source : page consacrée à l’écureuil roux sur le site Jardins d’Héricy, le savoir vert. Disponible à cette adresse : http://www.jardins-hericy.fr/php/fiche_ecureuil_roux.php

[5] En considérant un diamètre de 3,5 mètres (soit un volume de 22,45 m3) et une densité d’environ 13 tonnes par mètre-cube (source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Noyau_interne).

[6] Source : article de l’encyclopédie en ligne Wikipédia consacré à la dorsale médio-atlantique. Disponible à cette adresse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Dorsale_médio-atlantique


Le Paradis pèse-t-il si lourd ?

Balance    Balance. Source : Wikimédia Commons (https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Balance_scales#/media/File:M._Vitrvvii_Pollionis_De_architectvra_libri_decem,_ad_Caes._Avgvstvm,_omnibus_omnium_editionibus_long%C3%A8_emendatiores,_collatis_veteribus_exemplis_(1586)_(14783530102).jpg)

        Aujourd’hui, chère lectrice, cher lecteur, je te propose de retrouver la rubrique « Science intruse », avec cette question : le Paradis pèse-t-il si lourd que ce que l’on peut penser ?

        Attention : il ne s’agit pas de démontrer quoi que ce soit sur son existence ou son absence, l’hypothèse étant scientifiquement invérifiable. Libre à chacun(e) d'y croire ou pas. Par contre, on peut toujours faire des hypothèses et essayer de calculer à quel point il « pèserait » dans la pression atmosphérique, par exemple.

 

Qui est concerné ?

        Le concept de Paradis existe dans nombre de religions, avec de multiples variantes. Son équivalent dans la mythologie grecque, par exemple, se trouvait sous terre (comme le reste du royaume des morts, d’ailleurs). Nous nous en tiendrons ici à la version céleste. Le « ciel » étant une indication géographique peu précise, nous allons le placer dans l’atmosphère.

        Vient ensuite toute une série de questions épineuses.

        Tout d’abord : qui est concerné ? Uniquement les croyants des religions abrahamiques[2] ou l’ensemble de l’humanité ? Est-ce que c’est rétroactif pour les humains déjà disparus avant l’apparition de ces religions ? Dans ce cas, à quel moment fixer le début de l’humanité ? Et quelle est la proportion de défunts envoyés en Enfer, au Purgatoire et au Paradis ?

Symboles    Le judaïsme, le christianisme et l’islam évoquent un Paradis. Mais ce ne sont pas les seules religions à la faire …

        Pour éviter une série de spéculations métaphysiques, faisons une hypothèse à la façon de Michel Polnareff : Paradis pour tout le monde ! Elle apparaîtra certainement bancale à certain(e)s, mais elle simplifiera considérablement les calculs …

        Du coup, de combien d’humains parle-t-on ? En admettant que tous soient concernés, y compris les premiers (qui ont précédé l’arrivée de ces religions), il est très difficile de s’accorder sur un nombre. Considérons donc l’hypothèse « haute » et suivons l’avis du Bureau du Recensement des États-Unis, qui après un savant calcul est arrivé au nombre de 110 milliards d’êtres humains ayant vécu sur Terre depuis l’an -50000[2]. Estimation difficile : les premiers Homo sapiens n’ont curieusement pas eu l’idée d’établir de recensement, et la date d’apparition de notre espèce n’est pas connue de façon ultra-précise.

 

Le « poids » de l’âme

        Passé ces quelques considérations, passons à la question de la nature des occupants du Paradis.

        L’enveloppe corporelle restant sur Terre, seule l’âme est susceptible de faire le déplacement. C’est l’occasion de parler de la théorie dite « du poids de l’âme » (ou « des 21 grammes »).

        L’expression elle-même est déjà fausse : on ne parle pas d’un poids (qui dépend de l’intensité du champ de gravitation) mais d’une masse (qui ne change pas, que l’on se trouve sur Terre ou à la surface d’une étoile à neutrons).

        Cette théorie est apparue suite à une expérience menée par Duncan MacDougall, en 1907. Ce dernier a pesé des humains juste avant, puis juste après leur mort, et aurait constaté une différence de 21 grammes, attribuée à l’âme s’échappant du corps. Quelques petits bémols cependant : l’« expérience » ne concernait que 6 individus[3], et 1 seul a présenté cette fameuse différence, les autres ayant été écartés de cette conclusion soit pour des raisons techniques, soit parce que d’autres explications étaient possibles. Menée sur des chiens (dans des conditions à faire hurler la SPA), la même manipulation n’a montré aucun changement de masse dans leur cas, ce qui a été interprété comme un signe que seul les humains ont une âme. Le tout a été d’abord publié dans le New York Times, et non dans une revue scientifique avec examen par des personnes compétentes dans le domaine. Les résultats de l’expérience n’ont jamais été reproduits[4]. Une somme de « détails » qui laisse plus d’un scientifique perplexe quant à cette théorie …

 

Impact sur la pression atmosphérique

Baromètre    Baromètre. Source : Wikimédia Commons (https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Aneroid_barometers#/media/File:Aneroid_Barometer,_Friez,_Baltimore,_c._mid_20th_century_-_Museum_of_Science_and_Industry_(Chicago)_-_DSC06349.JPG)

        Considérons (en riant un peu) qu’une âme pèse effectivement 21 gammes. Multiplié par les 110 milliards d’êtres humains estimés précédemment, nous obtenons une masse de 2 310 000 tonnes. C’est-à-dire pas grand-chose comparé aux milliards de tonnes de dioxyde de carbone rejetés chaque année dans l’atmosphère, et encore moins en comparaison des 5 148 000 milliards de tonnes de l’atmosphère elle-même[5] !

 

        Répartie sur l’ensemble de la surface terrestre[6], la masse additionnelle représentée par les âmes ne serait donc pas ressentie. La différence de pression atmosphérique ne serait même pas détectable avec un baromètre d’usage courant !

 

 

Notes et références

[1] Judaïsme, christianisme et islam.

[2] Source : article de l’encyclopédie en ligne Wikipédia consacré à la population humaine. Disponible à cette adresse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Population_mondiale#évolution_à_travers_le_temps

[3] Ce qui constitue un échantillon statistiquement peu représentatif. Voir à cette adresse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Échantillon_(statistiques)

[4] Source : article de l’encyclopédie en ligne Wikipédia consacré au poids de l’âme. Disponible à cette adresse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Poids_de_l’âme

[5] Source : article de l’encyclopédie en ligne Wikipédia consacré à l’atmosphère terrestre. Disponible à cette adresse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Atmosphère_terrestre

[6] La pression atmosphérique est le rapport du poids de l’atmosphère à la surface de la Terre.


Minecraft : un monde de cubes scientifiquement carré ?

Bloc         Chère lectrice, cher lecteur,

       Cet article inaugure une nouvelle rubrique de « science décalée ». Le point de départ ne sera pas l’actualité scientifique, mais des éléments culturels tels que des films ou, comme ici, des jeux vidéos. Et surtout des productions dans lesquelles la science n’a pas forcément été invoquée. Qu’à cela ne tienne, nous allons quand même nous en servir pour les décortiquer en douce … d’où le titre « Science intruse ».

        La première « victime » à passer sur le grill de l’analyse scientifique est le jeu vidéo Minecraft. Bienvenue dans le monde des cubes pixélisés !

 

Un monde très particulier

        Comme tous les jeux vidéos, Minecraft fait face à des contraintes techniques, notamment au niveau de la génération des mondes et de leur sauvegarde. Pour limiter le poids du jeu, les mondes sont générés par des algorithmes.

        En se baladant sur un monde « classique », on y retrouve des biomes tout à fait terrestres, comme des plaines herbeuses, des savanes ou des déserts, ainsi que des structures naturelles, style montagnes, cavernes ou falaises. Notons toutefois quelques originalités : des champignons géants ou des îles flottant en l’air, à la façon des Monts Hallelujah du film Avatar ! Un côté fantasy renforcé par certaines créatures : araignées géantes, golems, et j’en passe.

Iles flottantes    Un monde de Minecraft envahi d’« îles flottantes ». Source : site minecraft.net https://fr-minecraft.net/map-minecraft-109-shattered-land.html

        Les contraintes techniques imposent une taille maximale à chaque monde : 8 fois la superficie de la Terre et une hauteur de 256 blocs d’1 m de côté[1].

        Quelques hypothèses et un petit peu de calcul vont nous permettre de connaître la masse d’un monde de Minecraft. Considérons un monde « classique » de taille maximale, avec une surface qui ressemblerait à celle de notre monde : 70% d’océans d’environ 20 blocs de profondeur et un niveau de la mer à 62 blocs. Je t’épargne le relief. La masse des blocs d’air est considérée comme négligeable devant celle des autres blocs.

        Avec une superficie terrestre de 510 067 420 km², on obtient une surface « minecraftienne » de 4 080 539 360 km². Une fois multipliée par (0,7x0,042[2] + 0,3x0,062[3]), le calcul donne un volume de roche de 195 865 889 km3. Avec une masse volumique d’environ 2,5 tonnes par mètre cube, on obtient une masse de roches de 489 664 723 milliards de tonnes.

        Un calcul similaire appliqué à l’eau donne 57 127 551 km3 d’eau[4], pour une masse du même nombre de milliards de tonnes[5].

        Le monde « minecraftien » pèse donc environ 546 792 274 milliards de tonnes. Originalité par rapport à la Terre : l’eau constitue environ 10% de sa masse, alors qu’elle est presque négligeable dans celle de la Terre[6] (mais bien évidemment pas dans son habitabilité). La masse totale de ce monde représente un peu moins de 0,01% de celui de notre chère planète bleue (5 973 600 000 000 milliards de tonnes), soit tout de même un peu plus de la moitié de celle de la planète naine Cérès[7] ! Il devrait donc, tout comme cette dernière, avoir une forme dictée par sa propre gravitation et exhiber une belle sphéricité. Ce qui n’est pas le cas dans le jeu : il y reste désespérément plat …

 

Une physique déroutante …

        Après la mémoire sélective, voici le concept de « gravité sélective » : dans le monde de Minecraft, elle affecte le joueur, les créatures, les liquides (eau, lave), le sable, les graviers … mais pas le reste ! Un bloc de roche peut parfaitement flotter loin au-dessus du sol, même en enlevant les blocs situés en-dessous (d’où les « îles flottantes » évoquées plus haut). Grosse différence avec le monde réel, où les lois de la physique sont censées être les mêmes pour tout et pour tout le monde.

        Notons également la présence de mondes parallèles, le Nether et l’End. Si la présence d’univers parallèles reste bien dans le cadre scientifique (les univers multiples sont une hypothèse, particulièrement difficile à tester), le passage de l’un à l’autre par des portails relève plutôt de la science-fiction.

 

… et quelques aberrations astronomiques

        Comme sur Terre, les objets célestes se lèvent à l’est et se couchent à l’ouest.

Coucher de Lune        Coucher de Nouvelle Lune, version Minecraft. Le Soleil s’apprête à se lever à l’opposé. Petit rappel : la Nouvelle Lune correspond des positions du Soleil et de la Lune très proches dans le ciel de la Terre … Image extraite du jeu.

        Histoire de « faire vrai », la Lune présente des taches et des phases, comme celle de la Terre. Problème : elle se lève toujours en même temps que le Soleil se couche. Comme les phases de la Lune sont dues aux variations d’écart apparent entre la Lune et le Soleil dans le ciel terrestre, on se trouve face à une contradiction. Deux solutions pour la faire disparaître :

        - soit la Lune « minecraftienne » continue à se lever à la même heure et ne présente plus que la phase pleine ;

        - soit elle garde ses phases, mais ses heures de lever et de coucher varient périodiquement …

        Le ciel nocturne présente également des étoiles. Elles semblent tourner autour d’un axe nord-sud. Les pôles célestes se trouvent au ras de l’horizon quel que soit l’endroit où l’on se trouve, ce qui est logique pour un monde plat, tout comme l’absence de saisons. Ce qui est moins logique en revanche, c’est la présence de biomes si différents, qui suivent une palette allant du désert polaire à la forêt équatoriale. Si le Soleil éclaire avec la même intensité partout, d’où viennent les grosses différences de température à l’origine de ces biomes ?

 

        Le monde de Minecraft est donc certes en grande partie inspiré du monde réel, mais il « triche » aussi avec les lois de la physique, en raison de limitations techniques. Gardons à l’esprit que les jeux vidéo dotés d’une physique « réaliste » exigent en général beaucoup plus de puissance de la part de la machine qui les exécute.

        Et puis de toute façon, c’est un jeu, pas une simulation …

 

 

Notes et références

[1] Source : article « La Surface » du Minecraft Wiki. Disponible à cette adresse : https://minecraft-fr.gamepedia.com/La_Surface

[2] Épaisseur de roche (en km) sous les océans multipliée par la proportion d’océans en surface. On simplifie en ne considérant pas la diversité des roches.

[3] Épaisseur de roche (en km) sous les terres multipliée par la proportion de terres en surface. On simplifie en ne considérant pas la diversité des roches, les cavités, le relief et la végétation.

[4] Épaisseur d’eau estimée (en km) dans les océans, sans tenir compte du relief du fond (20 blocs), multipliée par la proportion d’océans en surface (70%) et par 8 fois la superficie de la Terre.

[5] En considérant que l’eau est douce et d’une masse volumique d’1 tonne par mètre cube.

[6] Source : article de l’encyclopédie en ligne Wikipédia consacré à la Terre, section « Hydrosphère ». Disponible à cette adresse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Terre#Hydrosphère

[7] Source : article de l’encyclopédie en ligne Wikipédia consacré à la planète naine Cérès. Disponible à cette adresse : https://fr.wikipedia.org/wiki/(1)_Cérès